Depuis l’essor du télétravail, la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle s’est considérablement estompée. Smartphones, emails et messageries instantanées multiplient les points de contact, rendant chacun potentiellement joignable à toute heure.
Si cette disponibilité peut donner l’illusion d’un engagement accru, elle soulève aussi une question de fond pour les TPE-PME : l’hyperconnexion est-elle compatible avec la performance durable ?
Le flou entre engagement et sursollicitation
Dans de nombreuses PME, la culture de la réactivité est valorisée. Être “toujours joignable” est souvent perçu comme un signe de sérieux, de motivation et d’implication. Pourtant, cette logique de disponibilité et de réactivité a ses limites. Des études montrent que l’hyperconnectivité peut générer du stress, nuire à la concentration et, à long terme, détériorer la qualité du travail (Leclercq-Vandelannoitte, 2020).
La frontière devient floue entre engagement et surmenage : des salariés motivés restent connectés après 19h, répondent aux messages le week-end ou pendant leurs congés, parfois par peur de manquer une information cruciale ou de ne pas être perçus comme suffisamment impliqués.
Pourtant, ce mode de fonctionnement peut s’avérer contre-productif sur la durée. Il peut générer une fatigue mentale, émousser la créativité et déboucher sur un épuisement professionnel (Cavazotte et al., 2014).
Un cadre juridique pour protéger la santé
Face à ces dérives, le législateur a réagi. Depuis la loi Travail de 2016, le Code du travail consacre le droit à la déconnexion(article L2242-17). Sans imposer de modalités strictes, il oblige les entreprises à ouvrir un dialogue sur les usages numériques et à négocier des mesures pour garantir le respect des temps de repos et de vie privée.
L’objectif n’est pas d’édicter une règle unique, mais d’adapter les pratiques à chaque contexte d’entreprise. Ce cadre vise autant à protéger la santé des collaborateurs qu’à clarifier les attentes en termes de disponibilité, en évitant les incompréhensions et la pression implicite du “toujours plus”.
Des solutions concrètes et adaptées aux PME
Dans les PME, où la proximité hiérarchique et la polyvalence sont la règle, le droit à la déconnexion peut se traduire par des actions simples et pragmatiques :
● Fixer des plages de non-sollicitation : interdire l’envoi d’emails professionnels entre 19h et 8h, ou durant les week-ends, sauf urgence réelle.
● Montrer l’exemple : lorsque les dirigeants eux-mêmes respectent les temps de repos et n’envoient pas de messages hors horaires, la culture d’entreprise s’oriente naturellement vers un meilleur équilibre.
● Former et sensibiliser : accompagner les managers pour qu’ils apprennent à détecter les signaux de surconnexion dans leur équipe et encourager les salariés à s’exprimer sur leur charge numérique.
Résultats le plus souvent constatés : une baisse sensible du turnover, une ambiance de travail apaisée et une clarification des attentes de part et d’autre. Les salariés se disent plus sereins et plus concentrés, y compris lors des périodes de forte activité.
Génération Z : entre connexion quête de sens et motivation au travail
Pour la génération Z, le respect du droit à la déconnexion est étroitement lié à la quête de sens et à la motivation au travail : cette génération privilégie l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle et recherchent un engagement authentique, loin du présentéisme numérique (Deloitte, Global Gen Z and Millennial Survey, 2023). Les entreprises qui valorisent ce droit auprès de cette génération renforcent leur attractivité et la fidélisation de leurs jeunes talents (INJEP, 2022).
La performance ne s’évalue pas à l’aune de la disponibilité permanente. Respecter le droit à la déconnexion s’avère un levier de qualité de vie au travail et de performance durable. Pour les PME, l’essentiel est d’ouvrir le dialogue, d’expérimenter et d’ajuster les pratiques, en cohérence avec leur culture.
Références :
● Cavazotte, F., Heloisa Lemos, A., & Villadsen, K. (2014). The Dark Side of the Always-On Culture: Causes and Consequences of Work-Related Smartphone Use After Hours. Management Research, 12(1), 38-58.
● Leclercq-Vandelannoitte, A. (2020). Hyperconnexion et droit à la déconnexion : enjeux managériaux et organisationnels. Revue Management et Avenir, 116(2), 55-72.
● Code du travail, article L2242-17.

Cet article a été rédigé par :
Arnaud Huet
Consultant et Formateur – OC&T “Donner envie d’agir”
Consultant et formateur en management, Arnaud Huet accompagne depuis plus de 15 ans les dirigeants et managers dans leurs transformations managériales, organisationnelles et humaines. Spécialisé en QVCT, stratégie et conduite du changement, il intervient auprès de PME, ETI et grands groupes, en alliant expertise opérationnelle, pédagogie et engagement humain. Il collabore avec plusieurs organismes de formation de référence (Orsys, Abilways) et anime également des dispositifs d’accompagnement sur mesure. Son parcours, à la croisée du conseil et de la formation, fait de lui un partenaire fiable et engagé au service de la performance durable des organisations.
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